Au début de 1928, le poste privé Radio-Sud-Ouest diffuse sur 238,1 mètres à faible puissance des concerts pendant une heure en soirée, de 19h30 à 20h30. Cette radio, créé par Roger Thomaron, revendeur de TSF, patronnée par le quotidien régional La Petite Gironde (ancêtre de Sud-Ouest), est la première radio de Bordeaux. Comme à Toulouse, Nice ou Montpellier, les PTT ont lancé leur station (Bordeaux-Lafayette) pour contrer l’initiative privée. Et au niveau national les partisans d’un monopole d’état et les défenseurs de la radio privée s’opposent.
La régie municipale pète les plombs
Radio-Sud-Ouest à l’étroit dans ses locaux du 54, rue du Loup, près de la cathédrale, décide de déménager vers la cité Catros-Gérand pour pouvoir y installer un émetteur plus puissant. La station signe un contrat le 1er février 1928 avec la Régie municipale du gaz et de l’électricité pour être branchée sur le réseau et pour alimenter un émetteur de trois kilowatts (finalement, il ne fera que 1,5 kw). Mais le 8 février la régie coupe le courant et enlève le compteur. La radio attaque en référé et la justice oblige la régie à remettre l’électricité.
La tension monte
Mais le député-maire Adrien Marquet, décrit comme un socialiste autoritaire, persiste. Il explique avoir reçu une information de l’ARCA, l’association radiophonique de la Côte d’Argent, qui gère le poste public des PTT Bordeaux-Lafayette. « Il résulte d une part que la station de TSF du Bouscat chargée d’assurer la liaison et la sécurité des navires en mer, d’autre part les postes côtiers assurant la liaison avec les unités navales d’escadre en mer, sont susceptibles d’être gênées par les émissions à haute fréquence des nouveaux postes radiophoniques pour lesquels je suis saisi de demandes de fourniture du courant. » Le maire décide de suspendre la fourniture d’électricité jusqu’à l’avis des ministères concernés.
Les sans-filistes sont survoltés
La décision suscite un tollé chez les sans-filistes girondins . « Les grands ports, New York, Hambourg, Naples, Anvers, Marseille, possèdent et des postes de radiophonie et des postes côtiers et je ne crois pas que les premiers aient jamais gêné les seconds« , fait remarquer le président du Groupe girondin d’action et de défense radiophonique. « De plus, le fonctionnement des postes émetteurs radiophoniques existants à Bordeaux, n’ont jamais jusqu’ici entraîné de réclamations des services de la marine« , ajoute la président du Radio-Club de Bordeaux. Ce qu’atteste d’ailleurs un courrier du ministère de la marine.
« En tout état de cause, méfiez-vous, abonnés, que la raison pour laquelle vous utilisez le courant ne déplaise à la municipalité, ironise l’association Radio-Sud-Ouest. Nous ne reviendrons pas sur les points techniques invoqués par M. Marquet et l’ARCA. Ils ont été formellement réfutés par d’indiscutables compétences. Extravagante raison, en vérité, que celle qui prétend qu’un poste de radiodiffusion peut gêner un poste maritime de radiotélégraphie. Certains buts donnent parfois à l’imagination une curieuse tournure. Et même, pourrait-on nous dire pourquoi un poste n’apporte pas de trouble au service des dépêches quand il s’appelle ARCA, alors que s’appelant Radio-Sud-Ouest, il doit en apporter.«
La loi en paratonnerre
Mais le député-maire n’en reste pas là. A Paris, il se démène pour obtenir l’interdiction de Radio-Sud-Ouest. Il met en avant le régime des émissions radiophoniques régie par le décret loi de décembre 1926. Ce dernier prévoit notamment la disparition des postes privés tel Radio-Sud-Ouest au 1er février 1928. Comme le texte n’a pas été appliqué, il faut en concocter un autre. Mais il n’aura pas satisfaction. Loi 18 mars 1928 prévoir en effet que « les postes créés depuis le 1er janvier 1928, et ceux qui n’auront pas été autorisés seront fermés dans le mois qui suivra la promulgation de la présente loi. Les postes transformés depuis le 1er janvier 1928 devront être ramenés à leurs caractéristiques antérieures dans le même délai. L’installation de postes nouveaux est et demeure interdite. » Radio-Sud-Ouest se retrouve ainsi légalisée. Néanmoins, l’ambiance restera électrique entre le député-maire et le poste qui avait dû cesser d’émettre jusqu’en avril faute d’alimentation.
Soyez le premier à commenter