En 1942, devant le refus obstiné du patron de l’Auto, journal organisateur du Tour de France qui n’a pas eu lieu depuis 1939, l’occupant décide de confier à la France Socialiste, un quotidien d’ultra collaborateurs, la réalisation d’une course similaire. Similaire mais avec des moyens très limités. Ce sera le Circuit de France qui au lieu d’avoir 22 étapes se contentera de 6 sur 1611 kilomètres avec quelques Français et Belges. Un tour concentré dans le centre de la France pour éviter la côte, les zones interdites et les frontières. Mais un circuit qui franchit tout de même deux fois la ligne de démarcation qui sépare la France en deux zones, occupée par l’armée allemande au nord et à l’ouest et confié au gouvernement de Vichy au sud.
Cet erzatz de Tour de France, qui se déroule du 28 septembre au 4 octobre, va s’avérer être un désastre. Les étapes sont trop longues, trop pénibles, le temps est pourri et l’organisation lamentable.
Les reporters n’ont pas vu la course !
Oubliés les directs à moto ou en voiture de Radio-Cité, du Poste Parisien, de Radio 37, de Paris-PTT ou de Radio-Luxembourg. Faute de carburant, les trente journalistes suivent les étapes dans un car qui roule au gazogène. Résultat, ils ne voient pas la course ! Ils n’assisteront en fait qu’à une seule arrivée, celle de Saint-Etienne. Et pour commenter la course, ils en seront réduits à demander des infos aux entraîneurs qui sont à moto.
Radio-Paris, la radio allemande en français et la Radiodiffusion nationale à Vichy suivent le Circuit de France, grand enjeu de propagande.
Radio-Paris a confié les reportages à un journaliste sportif de la station, Marcel de Laborderie (qui suivait avant-guerre le Tour pour le Miroir des Sport) et à un animateur, Jacques Dutal.
La Radiodiffusion nationale aligne le déjà bien connu Georges Briquet. Ce reporter sportif a débuté en 1933 à l’occasion des Six-Jours et a fait le bonheur des auditeurs du Poste Parisien. On le retrouvera avec le même entrain après guerre sur la Chaîne nationale. Lors du Circuit de France, il intervient à l’antenne à 13h25 et à 18h50.
Une course qui vire au désastre
Cette boucle cycliste est une telle Berezina que seuls 23 cyclistes sur les 79 finissent la course. Une galère à deux-roues remportée par le Belge François Neuville qui n’enfile pas le maillot jaune mais un maillot zébré noir et blanc.
La presse de la zone sud se lâche sans être trop censurée. On apprend ainsi que les coureurs qui crevaient n’étaient pas assistés, qu’il n’y avait pas de mécano. Pire, le seul camion de dépannage est tombé en panne. Les cyclistes dormaient dans des dortoirs installés dans des écoles ou des séminaires, parfois sans couvertures. Le ravitaillement était défaillant et les coureurs avaient dû fournir avant le départ leurs tickets de rationnement. A Limoges, ils ont mangé au Secours National, c’est-à-dire avec les SDF à la soupe populaire ! Enfin, les coureurs ont dû patienter trois heures, immobiles, pour passer le contrôle de la ligne de démarcation. Un autre sport…
Le Circuit de France, que ses organisateurs prévoyaient d’élargir à la Champagne et à la Bretagne, ne connaîtra pas de nouvelle édition. Plusieurs compétitions cyclistes à étapes sont interdites l’année suivante du fait des restrictions.
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