Les émissions régulières du poste de la Tour Eiffel à la fin décembre 1921 marquent les débuts de la radio en France. Il y avait eu auparavant, des essais et expériences notables comme le concert en direct donné par la chanteuse de l’Opéra comique Yvonne Brothier. Le 26 novembre 1921, elle chante en direct devant le micro de la station de Saint-Assise pour un public réuni dans les salons du Lutetia à Paris.
Une autre expérience quelques mois plus tôt a été moins retentissante. Pourtant elle est très intéressante en cette année de centenaire de la radio en France car elle a mis à l’honneur Edouard Branly, considéré alors comme le père de la TSF. Avec la radioconduction, ce savant a apporté un des pièces du puzzle qui a permis la naissance de la radiodiffusion, tout comme Hertz, Marconi, Popov et d’autres.
La misère du laboratoire de Branly
Mais en cette période d’après guerre, les moyens octroyés aux chercheurs français ne sont pas à la hauteur. « Nos laboratoires sont en ruines et nos savants meurent de faim. Branly gagne moins qu’un ouvrier d’usine, et ses moyens de travail sont nuls, tandis que l’Italien Marconi, enrichi par la découverte de Branly est multimillionnaire, a son yacht d’expériences et commande à une armée de chercheurs bien rentés et, encouragés. Madame Curie doit un gramme de ce radium — découvert par elle et par son mari — à la charité américaine« , s’indigne en juin 1921 le directeur du Phare de la Loire.
Edouard Branly, travailleur acharné, poursuit en effet ses travaux avec les moyens du bord à l’Institut Catholique, sa femme de ménage faisant office de laborantine à l’occasion, dans l’attente de quelques subventions promises mais qui peinent à arriver depuis quatre ans.
« J’ai visité, en compagnie de M. Branly le laboratoire où il travaille. C’est là qu’il a découvert et mis au point son fameux cohéreur qui constitue l’organe principal de la télégraphie sans fil. Quelle lamentable installation ! Les murs tiennent à peine, le plancher tremble et craque, et M. Branly a été obligé d’attacher tous ses appareils avec des fini de caoutchouc pour éviter des secousses oui pourraient tout détraquer, décrit le journal L’Eclair. Il a aujourd’hui soixante-quinze ans. Il en parait soixante à peine. De longues, années d’activité sont peut-être réservées à ce savant à qui nous devons une des plus grandes découvertes dont le génie humain puisse s’enorgueillir… Et on le laisse dans une soupente, seul, avec une vieille servante. On ne lui donne pas l’argent qu’on lui a promis. L’Institut catholique le paie comme un garçon de bureau. Quelle misère !«
Un Gala Branly pour récolter de l’argent
Alors le Radio-Club de France décide d’organiser un gala pour récolter de l’argent pour le savant. Il a lieu le dimanche 26 juin à la salle de la Société des Ingénieurs Civils, 19 rue Blanche. « Au programme : causerie sur la télégraphie sans fil, avec projections, expériences, réceptions dès postes lointains ; Par sans fil, drame en un acte ; partie artistique avec le concours d’acteurs des principaux théâtres« , annoncent les journaux.
La « sainte terreur » des premiers auditeurs
Ce jour-là, à 15h30, le poste de radiotéléphonie militaire du Mont-Valérien à Suresnes diffuse un peu de musique sur phonographe pour le public du Gala Branly. C’est un choc pour ces gens de la haute société. Il est bien décrit par le journaliste du Figaro. « Et lors que l’expérience a réalisé son dire, on a été comme éblouis, et un frisson d’étonnement, d’admiration, j’oserais presque dire de sainte terreur, a couru dans l’assemblée. Nous avons entendu de la musique, transmise par un phonographe, du petit poste de TSF de Suresnes, et reçue dans la salle même par des amplificateurs téléphoniques. Ce phonographe, rien ne le reliait à nous… il transmettait ses sons à un téléphone sans fil… et c’était l’éther — cet éther invisible, impalpable, impondérable, dont l’existence même est aujourd’hui contestée — qui les transportait jusqu’à nos oreilles émerveillées.«
Pour la petite histoire, le gala n’a pas rapporté beaucoup d’argent. Il est à peine rentré dans ses frais. Mais, une souscription relayée par les grands journaux va permettre les mois suivants de récolter quelques subsides.
Bonjour,
D’abord merci pour ce très pertinent hommage à Edouard Branly, fort bien documenté, et dont l’écriture est si vivante !
Ceci ma rappelle des souvenirs, contés par mon père, de même prénom, (1903-1987)… souvenirs entendus dans les années 70, lorsque j’étais étudiant, et lorsque mon père m’apprenait à calculer et fabriquer mes filtres de haut-parleurs…
Avant de fonder Melodium, avec son ami Emile Furn, il a d’abord été constructeur de matériel radio (rhéostats, bobinages…) , sous ses marque « Magnaphone », « Vocifer », dont on retrouve les publicités, par exemple dans le catalogue du « Pigeon Voyageur », dont le patron était d’ailleurs également un ami…
Il se spécialisera ensuite dans l’acoustique, en créant son premier haut-parleur electrodynamique en 1923 (brevet de contruction en 1924), au cours d’une association commerciale avec un autre ami, fondateur des Postes « RED », Mr Redier…
mais si je vous écrit, c’est parce qu’il évoquait souvent cette époque en citant son cours d’électricité de l’école SUDRIA, la « notice de Guton », mais également qu’il était le 7eme membre du radio Club, club des constructeurs de matériel radio, dont je n’ai par la suite plus jamais entendu parler…
Je serais intéressé de toute information sur ce Radio Club, ses membres, son activité, et je pense que cela intéressera également le petit-fils du co-créateur de Melodium, qui fait un travail de mémoire considérable sur Melodium, et retrouve des photos de cette époque…
Il est fort probable que certaines mettent en scène des membres de ce « Radio Club » !
Chaleureuses salutations
Charles Boutelleau (fils)
Effectivement tout comme Charles j’aimerais en savoir plus sur ce fameux Radio Club et ses membres. Et aussi par la même occasion sur le SPIR que j’imagine être le syndicat des professionnels des industries radiophoniques ou quelque chose d’approchant…