
De 1923 à 1956, Tanger est un territoire autonome administré par la France, l’Espagne, le Royaume-Uni puis l’Italie Cette zone internationale est enclavée dans le protectorat espagnol au Maroc. Avant la Seconde Guerre mondiale, un vide juridique va permettre après-guerre l’éclosion de puissantes stations. Une première Radio Tanger nait à l’initiative d’un vendeur de postes de TSF. Elle fait apparaître un flou juridique dans la législation de la zone et est rachetée par une homme d’affaires, Charles Michelson, qui entreprend de la développer sous le projet de Radio Impérial avant de la vendre à la France. La guerre arrive et l’émetteur en cours d’installation est rapatrié pour être utilisé à Bordeaux.
Fin de la première Radio Tanger.
Après la guerre, les Espagnols quittent la zone internationale qu’ils occupaient et ferment la station qu’ils avaient installée, Radio Falange del Exterior (FET).
Un Américain antifranquiste
Mais la nature a horreur du vide. Et la zone de Tanger, avec sa situation géographique exceptionnelle, ses impôts très bas et une absence de législation sur les émissions radiophoniques, va attirer plusieurs projets. A commencer par celui d’un Américain, Herbert Southworth, un journaliste antifranquiste qui a couvert la guerre civile espagnole et qui s’est replié sur Tanger. Après la guerre, il rachète du matériel en surplus que vend l’armée américaine. D’après les mémoires de Michel Ferry, il s’agissait d’équipement provenant d’un navire de guerre US à demi immergé près de la côte marocaine. « Bob racheta pour quelques centaines de dollars, l’émetteur, ses antennes et une incroyable collection de disques spécialement fabriqués pour les loisirs des GI’s. »
Un petit émetteur militaire
Tout cela est transporté au cinquième étage d’un immeuble du 34, de la rue Goya (aujourd’hui avenue Prince Moulay Abdellah). L’émetteur modeste, d’une puissance de 250 watts est calé sur 6200 kc (48,39m) en ondes courtes. Une compagnie est créée, la Sociedad Africana de Radiodiffusion.
Le 18 septembre 1946, Radio International est sur les ondes. Un an plus tard, elle émet huit heures par jour en français, en espagnol et en arabe. Radio International s’équipe d’un émetteur de 10 kw qui émet en ondes moyennes sur 1238 kc (242,3 m) et garde les ondes courtes en relais.
Des chansons en vogue
Le Journal du Maroc livre son avis sur la programmation : « les disques enregistrés dominent : concerts des auditeurs, musique variée, musique de danse. Très peu de classique. Les chansons en vogue se suivent et les programmes sont seulement interrompus par de brèves annonces publicitaires — plus brèves qu’à Andorre, reconnaissons le« , souligne le quotidien. Les samedis soir sont consacrés à la danse. Le micro est alors place, pour une grande partie de la nuit, sur la scène d’un des dancings les plus chics de la ville. Notons également un courrier des auditeurs à 21h30.
Radio-International, qui émet dans l’après midi jusqu’à 17 heures, s’entend bien mieux le soir dès 19 heures — début de son second programme de la journée. L’émission de langue française ne vient, par la suite, qu’à 20h15 pour reprendre vers 21 heures. Nous avons pu remarquer à différentes reprises que « Radio-International » n’omettait pas de nous donner, au jour le jour, les… cours de la bourse. Voilà qui semble être plus apprécié qu’un concerto de Mozart !«
Mais déjà la concurrence se pointe avec le lancement de Radio Africa à Tanger en 1948.
Pour mettre un peu de beurre dans les épinards, la radio loue du temps d’antenne aux évangélistes. En 1949, on peut ainsi entendre sur les ondes courtes, La Voix de l’espérance à 15h45 le samedi (Adventistes).
Un nouvel émetteur puissant et une impressionnante antenne
En septembre 1952 à l’occasion du sixième l’anniversaire de la station, Herbert Southworth inaugure un nouvel émetteur dans des installations construites à Beni-Makada avec une antenne de 127 mètres de haut. Il est mis en service en décembre et avec ses 50 kw il est « l’émetteur sur ondes moyennes le plus puissant du Maroc, l’émetteur commercial le plus puissant entre les Pyrénées et l’Union Sud-Africaine, l’émetteur commercial le plus puissant en Afrique du Nord (cinq fois plus puissant que n’importe quel autre)« , souligne La Tribune de Tanger.
Dix km de câbles !
« Ce nouvel émetteur, construit par la Standard Telephone and Cables est pourvu d’un certain nombre de nouveaux perfectionnements techniques, notamment en ce qui concerne les circuits d’alimentation des lampes et leur réfrigération, complète Le Courrier du Maroc.
Sans vouloir nous livrer à un exposé que le lecteur trouverait assurément fastidieux, bornons-nous à souligner que cette installation a exigé la pose de dix kilomètres de câbles, et une antenne haute de 130 mètres, pesant plus de vingt tonnes.«
Une grande Radio International et une petite Radio Tanger
La station se dédouble : Radio Tanger International en arabe et en français sur l’émetteur principal (1238 kc) et Radio Tanger, essentiellement en espagnol sur 1079 kc (278m) avec l’émetteur de 10 kw. Les deux chaînes sont relayées en ondes courtes.
La radio se professionnalise et signe avec Information et Publicité, la régie qui gère également Radio Luxembourg. Elle diffuse ainsi plusieurs émissions sponsorisées réalisées en France. La station fait aussi de l’information, ce qui n’est pas du goût des autorités du protectorat français en ces temps où la tension augmente face à la volonté d’indépendance des Marocains.
Une indépendance qui intervient début 1956. Radio Tanger International et ses autres consoeurs continuent cependant à émettre. Le 29 octobre, la zone internationale est intégrée au royaume. Le Maroc étend par un décret royal le monopole radiophonique en vigueur dans l’ex-protectorat français à la zone de Tanger et à l’ex- protectorat espagnol. Le 31 décembre 1959, les radios privées cessent d’émettre. Radio Tanger est intégrée à la radiodiffusion marocaine
Soyez le premier à commenter