Diffuser un programme spécialement destiné aux élèves et que l’on pourrait écouter en classe ? L’idée n’est pas nouvelle en Europe et se développe notamment en Allemagne, en Angleterre, en Suède, en Hongrie… A la fin des années vingt, la France, quant à elle, est à la traîne. En 1928, le ministre de l’Instruction publique a bien créé une commission pour voir ce que l’on peut faire mais l’initiative fait pschitt. L’année suivante, le Syndicat national des instituteurs s’arrange avec le poste de la Tour Eiffel pour proposer « l’Heure radiophonique de l’école » le samedi à 15h35. A cette époque, les élèves ont cours le samedi et l’idée de terminer la semaine de travail sur une activité d’écoute intéresse. Mais encore faut-il que l’instituteur possède un récepteur de TSF.
L’Heure radiophonique de l’école à Paris
Après un essai le samedi 5 octobre 1929, cet embryon de radio scolaire est officiellement sur les ondes du poste de la Tour Eiffel le samedi 12 octobre. « Voici le programme de cette première séance, annonce La Parole Libre. D’abord, une partie réservée à la diction : trois fables de La Fontaine, dites par Mme Dussane, du Théâtre-Français. La seconde partie est une partie musicale, ou plutôt d’initiation à la musique. Elle sera dirigée par M. Walther Straram, directeur du Théâtre des Champs-Elysées, qui l’a ainsi définie : « Notre programme musical cette année est destiné au développement de l’audibilité musicale. L’objet de ce programme sera donc de faire entendre le matériel sonore pris isolément et dans ses divers groupements jusqu’au plus complet. » La première séance de cette partie musicale sera consacrée au ‘ piano et aux voix. Enfin la dernière partie de cette émission sera occupée par une conférence radiophotoscopique : commentaire et illustration d’une leçon de la semaine, sur « Les hommes de la Vézère » (Préhistoire). »
Mais quelques jours plus tard, première polémique. L’Heure radiophonique de l’école aborde le sujet de l’accident du dirigeable Italia en Arctique et du difficile sauvetage qui s’en suivit. Une histoire qui se termine par l’intervention d’un brise-glace soviétique. Une conclusion qui offusque les journaux de l’industriel et patron de presse ultra-conservateur François Coty (le Figaro, le Gaulois, l’Ami du peuple) sensible à la propagande de Mussolini et qui couler de l’encre.
L’émission restera à l’antenne de la Tour Eiffel, relayée par Bordeaux-Lafayette, une seule année scolaire.
L’Heure radiophonique scolaire à Bordeaux
Mais tout n’est pas perdu. Une Heure radiophonique scolaire est diffusée à partir du samedi 21 février 1931 sur la station des PTT Bordeaux-Lafayette avec le concours du Syndicat des instituteurs de Gironde et des Amis de la radiodiffusion scolaire.
Un exemple de programme :
La marche des rois (Bizet), indicatif. Un peu de musique : Le Cygne (Saint-Saëns). Nous apprenons à chanter : la chanson du clair de lune, air populaire allemand. Mlle Servant et M. Grimal chantent la Chanson de la paix heureuse. Une devinette amusante. Une chanson populaire anglaise Ah, venez enfants dans les bois. Un morceau de musique, Les Millions d’Arlequin (Drigo).
La Demi-Heure des écoliers à Toulouse
Puis, en janvier 1932, le Syndicat des instituteurs de Haute-Garonne et les Amis de la radiophonie scolaire mettent en place la Demi-Heure des écoliers sur la station des PTT, Toulouse-Pyrénées, le samedi à 15h15.
Un exemple de programme :
Indicatif : La Toulousaine. Présentation. Musique : ouverture ou sélection. Lecture : « Le Ruban de la Fée Ginette ». Musique : solo d’instrument. Chant scolaire : « Pour vos dix ans », par un groupe de garçons de l’école de Bonhoure à Toulouse. Récitations : « Le Chat, la Belette et le Petit Lapin » (La Fontaine), « Le Roulier et son Cheval » (Victor Hugo), par des élèves de l’école de Bonhoure. Musique : « Marche ». Clôture de rémission : « La Toulousaine ».
Les deux expériences bordelaise et toulousaine s’arrêteront à la fin de l’année scolaire en juin 1933.
L’Ecole par TSF au Maroc
C’est l’initiative la plus intéressante et la plus aboutie. Le Résident général du Maroc (alors protectorat français), Lucien Saint, décide à la fin de 1929 de mettre en place une émission de radio scolaire, suite à une expérimentation réalisée dans une quinzaine d’écoles les 16 et 23 mars. Elle est diffusée le samedi à 15 heures sur Radio-Maroc et est réalisée depuis le studio de Rabat avec l’orchestre de la station. L’Ecole par TSF est organisée par la direction générale de l’Instruction publique, des Beaux-Arts et des Antiquités. Elle a connu un beau succès car trois ans après son démarrage, quatre-vingts écoles, européennes et musulmanes (selon les termes de l’époque), étaient équipées pour la recevoir. Car contrairement à la métropole, les établissements recevaient un poste, ce n’était pas aux instituteurs d’utiliser leur propre appareil. Cette émission a été programmée au moins jusqu’à la guerre.
Un exemple de programme
La reine d’un jour, ouverture (Adam), orchestre. Histoire : « Deux grands sultans Almohades : Abd-el-Moumen et Yacoub el Mansour. Le coquelicot (Siède), orchestre. Leçon de choses : un animal domestique marocain : le chameau. Chant : Polichinelle, deuxième couplet. La fille du tambour-major (Offenbach), orchestre. Récitation commentée : Le blé ( A. Theuriet). Hymne des évadés de guerre, marche (Smet), orchestre.
Soyez le premier à commenter