Le 8 novembre 1942, les troupes anglo-américaines débarquent au Maroc et en Algérie, deux territoires sous l’autorité du gouvernement de Vichy. C’est l’opération Torch contre laquelle l’armée française, dite armée d’armistice, tente de s’opposer pendant trois jours. Pour mener à bien leur débarquement surprise, les Alliés se sont donné les moyens pour informer les Français de métropole et d’Afrique du nord.
Un émetteur colossal
En 1941, les Britanniques avaient fait l’acquisition auprès de la Radio Corporation of America d’un émetteur d’une puissance énorme pour l’époque, 600 kw, pour renforcer la diffusion de la BBC en cas de puissant brouillage allemand. Il présentait aussi l’avantage de pouvoir, en cas de besoin, recouvrir une fréquence ennemie. Mi-octobre, cet équipement secret baptisé Aspidistra est prêt à fonctionner dans un bunker du Sussex. Il va pouvoir entrer en service le jour du débarquement sur les côtes marocaine et algérienne.
Il est en effet prévu que le président américain, Franklin Delano Roosevelt, s’adresse en français dans un message préenregistré sur les ondes de la Voix de l’Amérique et de la BBC. Mais pas seulement. Le plan fait également intervenir Aspidistra sur la longueur d’ondes de Radio-Maroc à Rabat (499 m). Ces émissions ne doivent pas durer plus d’un quart d’heure pour éviter que l’émetteur secret ne soit repéré.
La voix de Roosevelt couvre l’émetteur de Rabat
A l’aube du 8 novembre, une radio qui se nomme la Voix des forces armées américaines, diffuse sur la longueur d’onde de l’émetteur de Rabat et recouvre complètement ses émissions. On y entend la proclamation du président américain, un appel du Général Eisenhower et un message du Général Giraud invitant l’armée française à coopérer.
L’émission qui donne également quelques informations des premières opérations de débarquement est répétée une seconde fois et la proclamation de Roosevelt largement relayée par la BBC qui bénéficie pendant 48 heures de la puissance d’Aspidistra. Plus tard dans la matinée, la Radiodiffusion nationale à Vichy et Radio-Maroc mettent en garde leurs auditeurs contre les informations provenant d’un poste clandestin. Car, non seulement, cette émission a permis de faire passer le discours américain mais elle laisse penser que Rabat est déjà aux mains des Alliés. Ce qui n’est pas le cas à ce moment là.
Bien organisée par le PWE, Political Warfare Executive, l’organisme britannique chargé des opérations de propagande et de guerre psychologique, ce débarquement a permis de mesurer l’efficacité d’Aspidistra. L’émetteur sera notamment par la suite utilisé pour diffuser Soldatensender Calais, une radio noire, c’est à dire un faux poste clandestin. C’est cette station qui a diffusé la première l’annonce d’un débarquement en Normandie.
Et Radio-Maroc ?
Quant à Radio-Maroc, elle a continué à diffuser les informations vichystes et notamment un appel du sultan du Maroc à rester fidèle au régime du Maréchal Pétain. Le tout sur ondes moyennes (20 kw) et sur ondes courtes (2,5 kw) jusqu’au 11 novembre à 14 heures. Au centre émetteur, le personnel attendait les deux officiers des transmissions américains et les soldats avec des bouteilles de vin et des drapeaux français et américain décoraient la table, rapporte la presse anglo-saxonne. La station a continué à émettre sous la surveillance des Américains.
Mais dans les semaines suivantes, l’amiral Darlan, pilier du gouvernement collaborationniste de Vichy mais rallié aux Américains, devenu haut-commissaire de France en Afrique du Nord, s’oppose à ce que la station soit utilisée pour diffuser vers la France métropolitaine. Les Américains trouvent que la station reste trop vichyste et n’ont pas confiance au Général Noguès, le résident général du protectorat. Le 22 décembre, l’OWI (Office of War Information), l’agence chargée de la propagande US, prend le contrôle de Radio-Maroc. Outre les programmes habituels, des émissions en anglais sont diffusées à l’intention des troupes.
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