A la fin de l’année 1959, le service public de la RTF, la Radio Télévision Française, est secoué par une série de grèves. Ce n’est pas une grosse surprise pour les auditeurs et téléspectateurs car entre 1956 et 1958, la RTF a connu 82 grèves diverses et variées. Mais celle qui la frappe en cette fin d’année 1959 est quasi générale.
Un mouvement qui se traduit par des séquences de musique non stop sur des stations habituellement très bavardes et par un chamboulement des programmes de l’unique chaîne de télévision au moment du réveillon du Premier de l’an. En fait, il s’agit de plusieurs grèves contre le nouveau statut de la RTF. Pour faire simple, ce dernier doit laisser une plus grande indépendance financière au service public et unifier le personnel sous le même statut.
Différence entre parties technique et artistique
Car les employés de la radio-télé se divisent entre « techniciens », fonctionnaires au même titre que les policiers par exemple, et les « artistiques » qui comprennent ceux qui sont sur le plateau télé du cameraman au menuisier du décor. A tout cela s’ajoute des grèves du Syndicat des réalisateurs, celui des journalistes et celui du personnel administratif… en solidarité. Et pour simplifier le tout, les techniciens ont choisi la grève tournante et les artistiques la grève reconductible.
Ce qui donne des situations ubuesques. Un camion de techniciens travaillant pour Cinq colonnes à la une ne peut pas partir en reportage car le chauffeur, qui figure dans la catégorie artistique, est en grève le jour où les autres ne le sont pas.
A l’antenne, les radios parviennent à diffuser les émissions déjà enregistrées et quelques bulletins d’informations. Mais les stations de France I (ex Paris-Inter), France II (régional) , France III (culture) et France IV (musique classique) sont très perturbées pour ce week-end de premier de l’an (le 1er janvier tombe un vendredi).
Pour le réveillon, c’est ceinture. Adieu le multiplex avec des Français du monde entier puis la musique de bal sur France I, oubliée l’émission publique Paris Cocktail et la revue du Grenier de Montmartre à France II, reporté le concert de l’orchestre radiosymphonique et les autres séquences de grande musique sur France III, tout comme la soirée dansante pour le réveillon que voulait proposer France IV en FM. Quand au petit écran, les téléspectateurs devront se contenter d’une mire, accompagnée toutefois de la musique non stop de la RTF.
Autre exemple, le samedi 2 janvier. La RTF parvient à diffuser « Comment regarder la peinture », « Shakespeare et les musiciens », la pièce Le Paria et un concert symphonique de Wagner et Strauss sur France III. Une autre pièce de théâtre, le Gendarme du bout du monde est diffusée dur France II. La chaîne principale, France I, arrive à proposer un programme en soirée, la Vie parisienne avec comme invités Serge Gainsbourg et Billy Nenciolli.
Pour donner une idée, les radios périphériques alignent à la même heure la Famille Duraton, un jeu de Zappy Max, Cavalcade avec Roger Pierre et Jean-Marc Thibaut et Suspense par Pierre Bellemare sur Radio-Luxembourg et Radio-Monte-Carlo. Europe N°1 diffuse Signé Furax, les Disques à la demande puis Bal N°1.
La reprise des programmes de la RTF
Suite aux négociations, les techniciens seront les premiers à reprendre le travail le lundi 4 janvier suivis le lendemain par les journalistes ce qui permet aux radios de retrouver une situation presque normale. Cependant les « artistiques » poursuivent leur mouvement. Les techniciens ayant repris leurs postes, la télévision peut diffuser des courts-métrages, un bulletin d’informations et un film chaque soir. C’est ainsi que le lundi 4 janvier, les téléspectateurs peuvent regarder La Duchesse de Langeais avec Edwige Feuillère, La Rose rouge le lendemain. Nous les femmes était prévu le 6 janvier mais l’état de la pellicule était trop mauvais et la RTF a diffusé un bon vieux western à la place.
Il faudra attendre la mi-janvier pour que tout soit de nouveau en ordre sur toutes les antennes de la RTF.
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