Été 1944 : les ondes françaises se libèrent au fur et à mesure de l’avance des Alliés et des FFI

Jean Guignebert au micro de la Radio de la Nation Française le 20 août.

Suite au double débarquement, en juin en Normandie et en août en Provence, les ondes de métropole cadenassées par les occupants allemands et le régime de Vichy se libèrent au fur et à mesure de la retraite des nazis et des collaborateurs.

« A la Libération, la France ne comptait plus que quinze émetteurs à ondes moyennes, dont sept pouvant être mis en état de marche, parmi lesquels un seul à peu près audible pour la moitié des auditeurs français, à peine, avec une puissance de 120 kilowatts, un autre de 20 kilowatts, le reste totalisant 34 kilowatts, détaille Georges Ullmann dans l’hebdomadaire Radio 44. Plus de postes à ondes longues pour couvrir la totalité du territoire (photo ci-contre : les dégâts après le sabotage de l’émetteur d’Allouis), plus de postes à ondes courtes pour les liaisons avec l’Empire et l’étranger. Sur les ondes moyennes, presque tous les émetteurs de grande puissance se trouvaient inutilisables pour de longs mois (Lille, Rennes, Bordeaux, Toulouse, Marseille, Paris) quand ils n’étaient pas entièrement détruits (Poste Parisien, Radio-Toulouse).« 

Au cours de l’été, les émetteurs libérés, souvent à faible puissance, fleurissent avant d’être à l’automne regroupés dans la Radio de la Nation Française qui devient la Radiodiffusion Française, le Gouvernement provisoire de la République française ayant instauré le monopole des ondes.

4 mars. Radio Corse

La Corse, totalement libérée le 5 octobre 1943, dispose de sa station, Radio Corse, dès le début du mois de mars 1944 qui relaie Radio France à Alger. on peut voir des images de son inauguration sur ce document de l’INA.

4 juillet. Radio Cherbourg

Début juillet. Radio Quercy

20 août. Radio de la Nation Française (Paris)

Depuis janvier 1943, une équipe d’un studio d’essai de la Radiodiffusion Nationale, 37, rue de l’Université, camouflée sous le nom de l’Institut des Hautes Etudes Radiophoniques prépare la radio de l’après guerre. Le dimanche 20 août à 22h30, au moment où le courant est rétabli pour quelques heures, de la musique militaire inaugure la Radio de la Nation Française et La Marseillaise, entendue notamment par le correspondant d’International News qui suit l’armée du général Patton.

Elle « put émettre immédiatement sur plusieurs longueurs d’ondes, grâce à des émetteurs dissimulés aux quatre coins de la capitale : sur 206 mètres émetteur caché chez SADIR porte de Saint-Cloud ; sur 224 mètres de la cité Martignac ; cet émetteur avait été fabriqué en sous-main par la maison Thomson et avait été tenu au secret au milieu même des services de la Radiodiffusion Nationale ; sur 235 mètres, émetteur caché dans un petit atelier gare de l’Est ; sur 41 mètres émetteur caché à Neuilly et portant à l’étranger, détaille l’hebdomadaire Radio 44, début octobre 1944. A cause de cet émetteur, nous eûmes à déplorer la mort d’un homme qui amenait un groupe d’alimentation électrogène. A partir du 24 août, à 10 heures, un nouvel émetteur LMT caché avenue de Breteuil, pouvait être entendu de toute la France. Dans chacun de ces endroits, des antennes de fortune avaient été édifiées sous la direction de l’ingénieur en chef Joyeux. A chaque antenne se trouvait une équipe d’exploitation particulièrement exposée, le lieu d’émission étant facilement repérable par la radiogoniométrie.« 

22 août. Paris National

Dans la nuit, l’appel à l’insurrection du colonel Rol-Tanguy aurait été diffusé depuis les studios de l’Information permanente, 114, avenue des Champs-Élysées directement branché sur l’émetteur de la Tour Eiffel (206 mètres). Mais cette diffusion n’est pas confirmée par les services d’écoute de l’agence Reuters à Londres qui scrutaient la moindre émission. Elle rapporte simplement avoir capté « les huit notes de l’indicatif des Français Libres » le samedi 19 août à 7 heures du matin.

22 août. Libre Patrie (Paris)

Cette radio éphémère est attestée par un article de Défense de la France (futur France Soir) publié le 24 août qui souligne un démarrage la veille, donc le mercredi 23 août. Un reporter y relate sa visite des studios « dans un appartement de la rive gauche« . Une dépêche de l’Agence France Presse indique également sa présence sur les ondes parisiennes mais un jour plus tôt, le mardi 22 août.

Le reporter de Défense de la France précise qu’il y a trois émissions, matin , midi et soir, qui consistent en la lecture d’un communiqué. La préparation de ces émissions a démarré un mois avant la libération de la capitale. L’immeuble est gardé par un détachement de FFI et le speaker était de ceux qui était  » à la Cité samedi matin« , donc le 19 août, référence à la prise de la Préfecture de police par les policiers résistants. Hypothèse : il pourrait s’agir de l’émetteur de la Radio de la Nation Française ajouté au réseau le 24 août et situé rive gauche, avenue de Breteuil.

22 août. Radio Limoges FFI

Lors de la retraite allemande, le puissant émetteur de Nieul échappe à la destruction grâce aux techniciens-résistants. Ils ont préalablement remplacé des pièces essentielles de la partie émettrice par du matériel usagé. Les Allemands les ont neutralisés avant de partir sans avoir eu le temps de dynamiter l’antenne. Limoges-Nieul (355,2 m) devient le plus puissant émetteur de la France libérée. Radio Limoges relaie les émissions en français de la BBC, les informations de la Radio de la Nation Française et les FFI de Limoges des informations locales à 7h45, 13h10 et 19h30. Début novembre, Radio Limoges troque sa longueur d’ondes avec elle de Lyon et émet alors sur 463 m et le ministère de l’Information interdit les émissions locales animées par les résistants. Les émissions limousines sont de retour quelques semaines plus tard mais sous le contrôle de la Radiodiffusion française avec une demi-heure matin, midi et soir.

22 août. Alpes-Grenoble

Le 22 août au petit matin, la Résistance s’empare de Grenoble. Dès l’après-midi, Alpes-Grenoble est de retour sur les ondes (15 kw). « C’est qu’ils ont fait du bon travail, les gars des PTT, écrit Louis de Fontenay dans le magazine marseillais V. Depuis huit jours, au péril de leur vie. ils ont effrayé la garde boche avec les prétendues représailles du « maquis » en cas de déprédations graves. Quelques lampes cassées seulement, dont ils ont eu soin de « planquer » les doubles chez des amis sûrs. Notre confrère André Rousseaux, du Figaro, prend instantanément la direction du poste. Et quelques jours après, simple journaliste marseillais, je suis le premier reporter à parler sur les ondes françaises renaissantes.« 

23 août. Radio Pertuis

Des résistants annoncent la création de Radio Pertuis (Vaucluse). L’info est diffusée par la BBC et reprise par les journaux d’Afrique du Nord.

26 août. Radio Vichy Libre

27 août. Toulouse-Pyrénées

Les émetteurs de la radio privée Radio Toulouse à Saint-Aignan et de la radio publique Toulouse-Pyrénées aux Murets ont été endommagés pour le premier et détruit pour le second par l’armée allemande lors de sa retraite. La Ville rose est libérée le 19 août. Le 27 août, Toulouse-Pyrénées est de retour sur les ondes à puissance réduite. Elle émet sur 215,45 m et en ondes courtes sur 25,33 m trois fois par jour: de 7 à 9 heures, de 12 à 14 heures et de 19 à 22h45. Les programmes se composent d’émissions locales et de relais de la Radio de la Nation Française à Paris. La radio de Toulouse est relayée par Radio-Agen qui redémarre à faible puissance. Au premier septembre, l’émetteur de Radio Toulouse est de retour à faible puissance sur 240,10 m. Les biens de ces deux stations privées de la Radiophonie du Midi sont mis sous séquestre par le commissaire de la République de Toulouse.

28 août. Radio Libération (Antibes)

Quelques jours après avoir été saboté, une équipe remet en route sur 227 mètres l’émetteur de Radio Méditerranée à Antibes, loué à Radio Monte Carlo, à puissance réduite, 800 w. Des infos locales sont diffusées sous le nom de Radio Libération, puis Radio Antibes avant de relayer Radio Nice.

30 août. Radio Bordeaux

L’émetteur de Bordeaux-Néac (relais de la radio du Reich) a été complètement détruit par l’armée allemande mais pas celui de Bordeaux-Carreire (Bordeaux-Lafayette devenue Bordeaux-National, relais de la Radiodiffusion Nationale) qui peut être réparé en quelques jours et avoir quasiment sa puissance initiale, 60 kw.

31 août. Radio Marseille

« Nous démarrons péniblement au milieu des pires difficultés techniques. Avant de partir, les Allemands ont mis à bas l’antenne du Réaltor et incendié la salle des appareils. Un matériel hétéroclite et démodé a seul pu être sauvé et mis en état de marche, grâce au dévouement de tout le personnel de la radio. Ecoutons l’éloquence des chiffres: de 120 kw nous sommes tombés à 3, souligne fin septembre Henri Fluchère, délégué régional à la radiodiffusion. Nous partons de rien, tout est à faire, raison de plus pour espérer. Nous escomptons d’ailleurs une amélioration rapide. La puissance du poste émetteur “ va être incessamment portée à 10 kw et peut-être 15. Radio-Marseille pourra alors, par temps favorable, être entendue de presque toute la France et peut-être de l’Afrique du Nord. Ce sera déjà un progrès.« 

3 septembre. Radio Lyon Libéré

Les émetteurs de la radio privée Radio Lyon et de la radio publique Lyon-PTT ont été détruits par les Allemands. Mais deux employés, Lucien Mahieu et Pierre Bricart avaient dissimulé du matériel dans une usine de l’avenue Félix-Faure. Une antenne est bricolée sur le toit de l’usine.

L’antenne au-dessus de l’usine

Les résistants mettent en service un émetteur de faible puissance qui diffuse le jour même de la Libération de la capitale des Gaules et qui couvre la ville.

3 septembre. Radio Lille Libérée

11 septembre. Radio Nice

Ici aussi, le sabotage des installations n’a pas été total. « Dès le 24 août au matin, le personnel technique s’attaque à la remise en marche de l’émetteur et le lundi 11 septembre, les émissions du studio de Nice sont envoyées sur une antenne unifilaire de 90 mètres avec une puissance de 800 watts. Le jeudi 14 septembre, cette puissance est portée à 4 kilowatts« , indique Christian Brochand dans Histoire générale de la radio et de la Télévision en France.

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