
Jusqu’à l’indépendance du Maroc, la zone internationale de Tanger, ce port situé à l’entrée du détroit de Gibraltar, est administré conjointement par plusieurs pays. Le territoire est lui-même enclavé dans le protectorat espagnol qui couvre le nord du Maroc. Un vide juridique fait de ce territoire un petit Eldorado pour l’initiative privée. Avant-guerre, une première Radio Tanger cesse d’émettre suite à l’invasion de la zone par les Espagnols.
L’ancien émetteur de la Phalange
Après la Seconde Guerre mondiale, ces derniers plient bagages et ferment la station de la Phalange espagnole FET del Exterior, qu’ils y avaient installée. « Cet ancien émetteur d’un amateur républicain fut confisqué par la Phalange espagnole et donné, par la suite, au speaker, avec toute la collection de disques, en échange des services rendus. Le speaker revendit le tout à Radio-Andorre« , indique La Vigie Marocaine. Plus exactement, elle est revendue à la Compagnie africaine publicitaire et commerciale (Africana publicitaria y commercial SA) de Jacques Trémoulet.
De Radio Toulouse au projet de Radio Atlantica
L’homme est très connu en radio : il a fondé Radio Toulouse puis mis la main sur plusieurs radios privées du sud de la France et même sur Radio-Île-de-France (ex Radio Vitus) à Paris. En 1939, il a lancé Radio Andorre (lire l’histoire de cette station ici). Après la guerre, il s’est réfugié en Espagne car il est accusé de collaboration (condamné à mort par contumace en 1946, il est finalement acquitté en 1949). C’est donc en Espagne qu’il s’investit en participant notamment à la création de Radio Intercontinental à Madrid.
En 1947, on le retrouve dans un projet très ambitieux, celui de développer une puissante radio commerciale de 200 kw en plusieurs langues basée sur l’île de Fernando Po (aujourd’hui Bioko) au large de la Guinée espagnole (aujourd’hui Guinée équatoriale). Mais ce projet de Radio Atlantica tombe à l’eau. Alors Jacques Trémoulet s’intéresse à la zone internationale de Tanger.
Un concurrent pour Radio International
Début 1948, il rachète le petit poste EA9AA-Radio Africa qui émet sur 7080 kc (42,37m) et 14 278 kc (20,01m) en ondes courtes avec un petit kilowatt. Déjà la station montre son ambition en s’affichant comme le « poste international de Tanger » et donc comme le concurrent de Radio International.
Radio Africa installe son studio 41,rue de Fès (il déménagera plus tard 9, rue de Russie) et son émetteur dans une villa dans un quartier huppé près de la mer, rue Shakespeare. Elle devient Radio Africa Tanger à l’été 1949. En mars 1950, les ondes courtes sont amplifiées à 10 kw et un émetteur on ondes moyennes de 5 kw est ajouté sur 331,8m (903 kc). Un an plus tard, la puissance de l’émetteur en ondes moyennes est portée à 20 kw et un second émetteur est mis en service sur 439m (685 kc).
Le 30 mars 1952, une tempête abat l’un des deux pylônes de 40 mètres installés dans les jardins de la ville rue Shakespeare. Il s’écroule sur une maison voisine.
Radio Africa se dédouble
Puis comme sa rivale Radio Tanger International, la station se dédouble en Radio Africa Tanger (locale) et Radio Africa Maghreb.
En août 1952, la Tribune de Tanger détaille ce changement : « Depuis le 25 juillet, la Compagnie Africaine Publicitaire et Commerciale (Radio-Africa-Tanger) a mis en Marche son nouvel émetteur de 50.000 w, qui fonctionne actuellement avec une puissance de 12.000 w. La longueur d’onde est de 311 mètres. Les émissions ont lieu actuellement de 12h à 15h et de 19h à 22h. Elles sont annoncées sous le vocable de « Radio-Africa-Maghreb » et rayonnent plus particulièrement sur l’ensemble de l’Empire Chérifien (NDLR : le Maroc).
Nous rappelons, en outre, que, comme par le passé les émissions de Radio-Africa-Tanger, se poursuivent simultanément de 12h à 15h et de 18h â 21 heures, sur l’onde de 412 mètres (auparavant 380m, avec une puissance de 1,250 kw. Ces émissions étant plus particulièrement destinées à la Zone internationale, au Maroc espagnol, et au sud de l’Espagne. »
La course à la puissance va se poursuivre et Radio Africa Maghreb est dotée d’un émetteur de 100 kw et parallèlement les émissions en ondes courtes se développent.
Les ondes courtes pour accueillir d’autres radios
Elles permettent d’une part de relayer les programmes de Radio Africa Maghreb et de Radio Africa Tanger mais aussi de louer du temps d’antenne à plusieurs stations religieuses ainsi qu’à des radios privées scandinaves. Ces programmes sont regroupés sous le nom de Radio Inter Africa ou de Radio Eurafrica.
Une belle équipe
Radio Africa s’appuie sur une solide équipe. A la tête de la station, Jean de Bournet, Gilles Marquet côté direction des programmes, que l’on retrouvera plus tard à Radio Andorre.
On y trouve Alberto Donper, un Argentin qui a fait carrière sur plusieurs stations d’Amérique latine et que l’on retrouvera plus tard sur Radio Intercontinental à Madrid.
Il y aussi Marisa Martin qui sera ensuite une des voix de Radio Andorre, Maria Del Pilar Santisteban (Miss Tanger), Tony Blanco, Mary de la Fuente, Herminio Blanco, Enrique Ortego, Paulino Espana, Francisco Conejero, Angle Alvarez et Lydia Lorruso.
Certains programmes sponsorisés proviennent, comme chez sa consoeur de Radio Tanger International, via la régie de publicité.



A comme Africa mais aussi Andorre et Antilles
Le Maroc devient indépendant en 1956 et trois ans plus tard impose le monopole sur ses ondes. Au 31 décembre 1959, les radios privées doivent cesser d’émettre. Radio Africa cesse ses émissions le 21 décembre après avoir méticuleusement démonté le matériel pièce par pièce. Les autorités marocaines trouveront peu de choses dans la villa de la rue Shakespeare. Une bonne partie du matériel est parti en Andorre et l’émetteur principal, stocké en Espagne, sera utilisé quelques années plus tard par Jacques Trémoulet pour lancer Radio Antilles depuis l’île de Montserrat.
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