Radio-Morue est une station de radio qui émettait sur un bateau, le Saint-Yves, un voilier hôpital qui croisait au large de Terre-Neuve pour assister les pêcheurs. Cette radio offshore, sorte de Radio Caroline d’avant l’heure, a été créée par le père Yvon (Yvon de Guengat), un prêtre capucin quelquefois surnommé « l’apôtre de la mer ». Le dundee était armé par la Société des Œuvres de Mer.
Premiers essais à Saint-Malo
L’aumônier des terre-neuvas fait procéder aux premiers essais de cette radio inédite sur les ondes bretonnes. Le mardi 30 mars 1937, les premières émissions sont diffusées à 10 h et à 16 h sur la longueur d’ondes de 190 mètres depuis le navire à quai à Saint-Malo. Le lundi 5 avril, le navire-hôpital quitte la cité corsaire direction Terre-Neuve en procédant à de nouveaux essais à 9 h, 16 h et 21 h. Puis, pendant la traversée, le poste maritime diffuse à 22 h sur la longueur d’ondes de 175 mètres. Le Saint-Yves ne se contente plus de soigner et de délivrer le courrier, il donne des nouvelles fraîches aux marins-pêcheurs.
Radio Morue diffuse deux fois par jour durant la campagne de huit mois des terre-neuvas, à 15h30 et 20 heures. Au programme, heure exacte, météo, nouvelles captées sur les radios et quelques disques et biens sût la position du voilier car le navire est aussi un hôpital. Chaque mois, le Saint-Yves fait escale à Saint-Pierre et Miquelon et embarque divers journaux dont les articles agrémenteront les programmes.
Photo : le Saint-Yves à quai à Saint-Malo.
La plus grande paroisse du monde
« Je suis le plus grand curé du monde. Ma paroisse est large de 1600 et longue de 4,000 kilomètres”, déclare-t-il en mars 1937 à l’agence Havas. Sur sa petite goélette à voile et à moteur bourrée de médicaments et de tabac, il parcourt les bancs à la recherche des terre-neuvas.
‘Une vraie partie de colin-maillard, commente-t-il lui-même. “Ce que je leur apporte lorsque je parviens à me laisser rouler sur le pont de leurs voiliers ? D’abord le courrier: en 1936 j’ai distribué 16,437 lettres et 2,233 colis. Il est impossible d’imaginer le réconfort qu’apportent sur les banes de Terre-Neuve ces paquets de friandises, ces lettres de mères, de femmes, de fiancées, d’enfants, Et puis aussi les secours de la religion. Il y a des malheureux qui désespèrent de revoir jamais le clocher de Saint-Malo, parce qu’ils sont malades. Je les fais transporter à bord du “Saint-Yves” ou au cours de la seule campagne de 1936 le docteur m’accompagnant effectua 17 opérations.
Enfin j’ai organisé sur le bâtiment un poste émetteur Radio Morue qui communique aux navires à des heures régulières, les nouvelles de France. les nouvelles locales, les communications personnelles, sans oublier la présence de Dieu: car les terre-neuvas. qu’ils soient normands ou bretons ont l’esprit religieux Ils savent écouter celui qui les exhorte à la foi pourvu que ce soit un des leurs et qu’il parle leur langue.” Photo : le père Yvon avec les terre-neuvas.
« Ici Radio Morue »
Dans le livre de Gaston Lebarbe, Ar soñj, le souvenir : mémoires d’outre-mer d’un jeune breton, on trouve une rare description du navire d’assistance : « Sa coque en chêne est robuste. Elle rappelle dans ses formes les thoniers de Concarneau. Son aménagement intérieur a été conçu en fonction de sa mission de saint-bernard des mers, de service d’urgence des grands bancs. A côté de la pharmacie et de la salle d’opé- ration, se trouve le carré réservé aux patients. On y trouve une demi-douzaine de lits comme je n’en avais jamais vus auparavant. Ils sont suspendus au plafond comme des hamacs. La gite ou le roulis sont ainsi automatiquement compensés. Les malades n’ont plus a supporter que le tangage, diminuant de moitié l’inconfort causé par la houle. Les installations radios étaient des plus modernes pour l’époque. C’est de la que le père Yvon claironnait dans son micro : « Ici Radio-Morue ! », le plus insolite des postes de TSF. »
Photo : le père Yvon sur le Saint-Yves.
Même le New-York Times salue l’initiative : « Using the signal “Ici Radio-Morue” (“Here Radio Codfish”) father Yvon, the padre of the codfishermen, keeps in constant invisible touch with his floating parish off the Grand Banks of Newfoundland from his ship Saint-Yves, just off the French coast. From this ship Father Yvon sends his maritime parishioners time signals, weather reports and spiritual aid day after day. On Sundays he broadcasts mass, complete with a gramophone choir. This is followed by folk songs and news from the scattered villages in which the homes of the fishermen lie.«
Cette initiative de Radio Morue prend fin à la déclaration de guerre en 1939.
Pour en savoir plus
- Un film tourné en 1935 par le père Yvon
https://www.cinematheque-bretagne.bzh/Geolocalisation-970-13420-0-0.html
- Un livre écrit par le père Yvon, Avec les pêcheurs de Terre-Neuve
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